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LES HEMORRAGIES DIGESTIVES DU NOURRISSON ET DE L’ENFANT 2 ème partie : RECTORRAGIES-MELENA

1) Définition : la présence de sang dans les selles traduit aussi bien une hémorragie digestive du tractus digestif supérieur qu’inférieur. Le méléna, émission de sang noir par l’anus, traduit l’existence de lésions hémorragiques situées soit au niveau de l’œsophage, de l’estomac ou du duodénum (première partie de l’intestin).

Les rectorragies, évacuation de sang rouge par l’anus, témoignent de l’existence de lésions situées entre le duodénum et le rectum. Cette distinction est certes valable chez le grand enfant mais chez le nourrisson, des rectorragies peuvent traduire un saignement digestif haut.

Les hémorragies de forte ou moyenne abondance ne prêtent en général pas à confusion, mais les hémorragies de faible abondance peuvent être plus difficile à identifier. Certains médicaments colorent les selles en rouge (Povanyl® par exemple) ou en noir (les préparations contenant du bismuth, du charbon ou du fer par exemple). En cas de doute, l’utilisation de bandelettes appliquées sur les selles (Hémoccult®, Hématest®) peut être nécessaire.

De fausses réactions positives s’observent en cas d’ingestion de préparations contenant du fer, de viandes ou de fruits rouges. De fausses réactions négatives se rencontrent après ingestion d’acide ascorbique et lors d’examen d’échantillons de selles desséchées. Chez le nouveau-né, l’ingestion de sang maternel ou placentaire dégluti, est une cause d’erreur commune. Le test d’Apt est un procédé qualitatif simple qui permet de distinguer sur des selles sanglantes, l’hémoglobine fœtale de l’hémoglobine de la mère.

2) Causes : les causes des hémorragies digestives basses sont des plus diverses et varient selon l’âge des enfants. Elles ne justifient pas toute la réalisation d’une exploration endoscopique (rectosigmoidoscopie ou coloscopie).

a) Chez le nouveau-né : les rectorragies sont fréquemment observées en période néonatale. Elles relèvent de causes de gravité variable toujours dominée par l’entérocolite ulcéro-nécrosante (EUN).

Celle-ci est cependant très rare et la plupart des rectorragies en période néonatale sont bénignes et ont une évolution rapidement favorable. Elles sont le plus souvent liées à une colite , dont les étiologies sont multiples et dont le diagnostic est fait aisément par endoscopie. L’évolution est la plupart du temps rapidement favorable.

- Colites ecchymotiques : elles sont caractérisées par des rectorragies précoces, pouvant survenir durant la première semaine de vie. Il s’agit habituellement de quelques filets de sang autour des selles. Plus rarement les rectorragies sont plus abondantes et peuvent être constatées en dehors des selles.

Dans tous les cas, l’examen général est normal. La rectosigmoidoscopie permet de mettre en évidence des lésions typiques de la muqueuse qui siègent la plupart du temps au niveau du colon sigmoïde. La cause la plus fréquente de ces lésions est l’allergie aux protéines du lait de vache. L’hyperéosinophilie et l’augmentation des Ig E spécifiques sont inconstantes.

Les lésions de la muqueuse régressent avec la suppression des protéines du lait de vache de l’alimentation. Ces lésions de la muqueuse sont possibles même en cas d’allaitement maternel du fait du passage des protéines bovines dans le lait maternel. Une cause infectieuse ne peut être exclue notamment une infection à un certain type d’E. Coli pouvant être à l’origine des colites hémorragiques du nouveau-né.

- Entécocolite ulcéro-nécrosante (EUN) : le diagnostic est posé cliniquement devant l’apparition chez un nouveau-né souvent prématuré ou de faible poids de naissance de la triade : distension abdominale – rectorragies – vomissements bilieux, symptômes associés à une atteinte sévère de l’état général.

- Rectorragies de cause infectieuse : le tableau clinique est souvent plus sévère que celui de la colite ecchymotique. La coproculture et la recherche de virus dans les selles permettent de retrouver l’agent causal : Campylobacter jéjuni, Clostridium difficile, Yersinia enterocolitica etc…

- Hyperplasie nodulaire lymphoïde du colon : il s’agit de lésions bénignes de la muqueuse se définissant endoscopiquement par un aspect de petits nodules multiples de 1 à 4 mm entourés d’une muqueuse souvent congestive ecchymotique pouvant être à l’origine des rectorragies.

- Maladie hémorragique du nouveau-né : elle est due à un déficit en facteurs de coagulation et la survenue des accidents hémorragiques est prévenue par l’administration systématique de vitamine K1 à la naissance.

- Ulcérations thermométriques : l’évolution est toujours spontanément favorable à l’arrêt des manœuvres traumatisantes.



b) Chez le nourisson :

- Fissure anale : complication fréquente de la constipation. Le tableau clinique est dominé par les manifestations douloureuses lors de l’évacuation des selles et par les rectorragies de sang rouge qui ne sont pas constantes.

- Invagination intestinale aigue (IIA) : les rectorragies s’observent dans 35 à 45 % des cas des IIA. Le tableau clinique est dominé par les douleurs abdominales et les vomissements. Le diagnostic est clinique et confirmé par la radiographie de l’abdomen (ASP) et l’échographie abdominale qui met en évidence le boudin d’invagination.

- Colites allergiques : dues principalement à l’intolérance aux protéines du lait de vache et/ou aux protéines de soja.

- Colites infectieuses : les germes les plus souvent en cause sont les salmonelles, les shigelles, certains E. Coli entéro-invasifs et Campylobacter jéjuni. Le diagnostic repose sur la coproculture.




c) Chez le jeune enfant : les causes de rectorragies à cet âge sont largement dominées par les polypes intestinaux. La coloscopie constitue l’examen de choix et peut être pratiqué à condition de disposer d’un matériel adapté, d’un environnement technique et anesthésique de sécurité et d’un praticien ayant une large expérience de cette technique chez l’enfant.

- Polypes et polyposes : en dehors des fissures anales, les polypes constituent la première cause de rectorragies à cet âge. Il s’agit le plus souvent d’un polype juvénile bénin isolé situé dans plus de 75 % des cas dans le rectosigmoide. Ces rectorragies sont indolores, intermittentes et ne s’accompagnent d’aucun signe clinique.

Elles surviennent en dehors de toute constipation. Lorsque le polype est très bas situé dans le rectum, il est parfois possible de le palper lors du toucher rectal. La coloscopie permet de le mettre en évidence et lors du même temps anesthésique, il est retiré à l’anse diathermique et récupéré dans la mesure du possible pour analyse histologique. Aucune surveillance n’est nécessaire par la suite. Il en va tout autrement lorsque les polypes sont multiples et s’intègrent dans le cadre de polyposes familiales.

- Purpura rhumatoïde : on retrouve des hémorragies digestives dans 1/3 des cas de la maladie dues à une atteinte de la muqueuse jéjunale ou iléale, plus rarement colique ou duodénale, exceptionnellement oesophagienne. Révélés par un méléna et/ou des rectorragies de sang rouge et en cas de lésions gastriques ou duodénales par des vomissements bilieux et de douleurs épigastriques, ces complications digestives précèdent parfais l’apparition du purpura.

- Rectorragies de cause infectieuse et le syndrome hémolytique et urémique : les rectorragies sont souvent le premier signe, la maladie se présentant au début comme une diarrhée sanglante qui se complique rapidement de signes généraux et d’une atteinte rénale rapidement très sévère.

- Malformations vasculaires: elles sont rares chez l’enfant et se révèlent par un saignement digestif aigu ou plus souvent chronique responsable d’une anémie due à une carence en fer (anémie hypochrome hyposidérémique). Elles sont de trois types : angiodysplasies, télangiectasies héréditaires, hémangiomes caverneux. La coloscopie est une étape essentielle du diagnostic car dans plus de la moitié des cas les angiomes intéressent le colon. Les lésions sont de dimension variable allant de 1 cm à des lésions étendues intéressant la totalité de la circonférence rectale ou colique.





d) Chez le grand enfant et l’adolescent : après les polypes qu’il faut toujours rechercher à cet âge, le diagnostic est avant tout orienté vers la recherche d’une maladie inflammatoire du tube digestif (maladie de Crohn ou rectocolite ulcéro-hémorragique). La coloscopie reste encore l’examen de référence pour faire le diagnostic de la maladie.

- Maladie de Crohn : le début de la maladie peut être insidieux mais le diagnostic doit être évoqué devant une diarrhée chronique sanglante ou non accompagnée de douleurs abdominales, d’une perte de poids, d’une altération de l’état général avec asthénie et d’un syndrome inflammatoire biologique. Le diagnostic est confirmé par la coloscopie.

- Rectocolite ulcéro-hémorragique (RCH) : la diarrhée sanglante est habituellement le premier signe de la maladie. L’étendue des lésions est variable pouvant aller jusqu’à une atteinte de la totalité de la muqueuse colique.

- Colites post-antibiothérapie : la colite pseudo-membraneuse due à la bactérie Clostridium difficile est rare chez l’enfant.

- Ulcère solitaire du rectum : rare chez l’enfant, il serait secondaire à un prolapsus de la muqueuse rectale.





CONCLUSION


Les saignements digestifs relèvent d’étiologies très variées, le plus souvent bénignes. La présence de sang chez l’adulte fait toujours évoquer par le patient et son entourage un cancer digestif, ce qui explique bien entendu l’importante anxiété des parents lorsqu’ils constatent la présence de sang dans les vomissements ou les selles de leur enfant.

Il faut donc savoir rassurer les parents tout en sachant entreprendre l’enquête étiologique qui commence toujours par un examen clinique et proctologique quel que soit l’âge de l’enfant. Cet examen est le préalable à la mise en route d’examens complémentaires dont les indications doivent être soigneusement pesées.